De l’art de lâcher sans rien céder.

L’affaissement des valeurs portées par la gauche n’est pas sans conséquences. Dans notre société le discours sur les inégalités entre travailleurs prime ainsi maintenant sur l’antagonisme capital – travail.

La manière dont le gouvernement et le patronat jouent le revenu contre le salaire est symptomatique.

Les professions cadres et intermédiaires représentent aujourd’hui 48 % de la population. La part des diplômés s’accroît chaque année. La reconnaissance salariale de la qualification de chacun (au sens formation initiale et continue, expérience, efficacité dans le travail) est le seul système véritablement solidaire et juste pour une vie moderne en société. Sur la base d’une réponse aux besoins, elle ouvre à l’évaluation démocratique de l’apport de chacun au processus de production et de services, à l’intérêt général.

Couper cette qualification mise en œuvre par tout travailleur, du salaire qu’il perçoit est un objectif de longue date du patronat permettant à ce dernier de s’approprier le pactole de la surexploitation d’une population qualifiée.

Jouant sur le fait qu’aucune personne de bonne volonté n’y trouvera à redire, l’opération charité envers les plus pauvres bat son plein. Qu’il s’agisse de la prime de Noël que beaucoup d’entreprises différencient en la diminuant ou la supprimant pour les salariés qualifiés, ou de la prime d’activité versée non aux smicards mais aux ménages qui ne dépassent pas un plafond de revenus, la logique est la même. Ce n’est pas le travailleur qui voit sa force de travail, c’est-à-dire sa qualification, payée davantage, c’est le ménage qui est assisté au regard de son revenu global.

La collectivité est par ailleurs mise à contribution pour exonérer les employeurs du paiement de la prime d’activité. Même dynamique chez les retraités ou l’exonération de la CSG en 2019 est fonction d’un plafond lié au foyer fiscal.

Un payement a minima des qualifications et un revenu minimum comme soupape de sécurité semblent aujourd’hui la ligne suivie pour préserver l’immense prélèvement de richesses qui s’opère en faveur des 1 % les plus fortunés.

L’impôt ne sert plus à financer les infrastructures et services publics, il orchestre le versement par ceux qui le payent d’une aumône aux plus démunis.

Ce refus de tirer l’ensemble de la société vers le haut, cette volonté de fracturer la société en strates dont on voudrait qu’elles s’opposent, a des conséquences négatives en matière de production de richesses et de services.

Ce n’est pas en excluant les uns et en démobilisant les autres qu’on retrouvera le chemin d’une économie efficace susceptible de relever tant les défis de productivité que les défis sociaux et écologiques.

Ne pas perdre de vue sa qualification, son travail, agir pour sa reconnaissance notamment salariale, est la voie pour restaurer une vie sociale saine. C’est sans doute le meilleur service à rendre à la société pour mettre la finance à son service et non à celui des 1 %.

 

Billet 3 – 20 décembre 2018 –  Jean-François Bolzinger

Mis en ligne le 22 décembre 2018